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La parité sociale, une urgence démocratique (et féministe)

Et si c’était l’une des rares issues possibles à l’impasse démocratique actuelle ? La parité sociale ne résoudra pas tout, mais elle pourrait au moins rebattre les cartes, faire entrer dans les institutions des voix qu’on a trop longtemps confinées aux marges, celles des travailleureuses, des précaires, des invisibles.

Léa Chamboncel

15 oct.

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La parité sociale, une urgence démocratique (et féministe)

Et si c’était l’une des rares issues possibles à l’impasse démocratique actuelle ? La parité sociale ne résoudra pas tout, mais elle pourrait au moins rebattre les cartes, faire entrer dans les institutions des voix qu’on a trop longtemps confinées aux marges, celles des travailleureuses, des précaires, des invisibles.

Léa Chamboncel

15 oct.

Et si la parité sociale était la grande idée oubliée du débat démocratique ? À force de parler de crise de la représentation, d’abstention et de “déconnexion des élites”, on en oublie un détail essentiel : notre classe politique n’est pas seulement masculine, elle est aussi (et surtout) socialement homogène. Pour résumer, on peut dire qu’elle est riche, diplômée, et coupée de la réalité. 

Selon le rapport “Tous les mêmes ? Portrait social de la France politique de 2002 à nos jours” publié par le collectif Démocratiser la politique (DLP), créé il y a trois ans, 87 % des eurodéputé·es français·es élu·es en 2024 appartiennent aux classes supérieures. À l’Assemblée nationale, les député·es issu·es des catégories populaires ne représentent que 6 % des élu·es, contre 2 % en 2012. Et si l’on continue à ce rythme, il faudrait attendre 2096 pour atteindre une représentation équilibrée entre classes sociales. 

Autrement dit, la démocratie française fonctionne avec une moitié de la population absente de la table des décisions. Et pourtant, les Français·es issu·es des classes populaires ne sont pas désintéressé·es de la politique. Au contraire, comme nous l’apprend le rapport de DLP, 1,4 million de personnes issues des milieux ouvriers ou employés se sont portées candidates à au moins une élection depuis 2002, soit la moitié de l’ensemble des candidatures. Le problème, ce n’est donc pas la prétendue “apathie” populaire, mais un système d’exclusion structurelle nourrie par tout un tas de freins : manque d’accès au financement, absence de réseaux, candidatures reléguées en bas de liste, mépris social bien ancré, etc. 

C’est là qu’entre en jeu la proposition du collectif : la parité sociale. Inspirée de la parité femmes-hommes instaurée par la loi du 6 juin 2000, elle viserait à imposer aux partis politiques de présenter un quota de candidat·es reflétant la composition sociale réelle du pays. Pas seulement un symbole : une révolution structurelle, qui ferait de la politique un miroir de la société plutôt qu’une oligarchie déguisée en démocratie défectueuse.  

Parce que oui, parler de parité sociale, c’est parler de pouvoir. C’est questionner qui décide pour qui, et au nom de quoi et de qui. C’est se demander pourquoi les décisions publiques sont prises majoritairement par des cadres supérieurs, et si cette uniformité n’explique pas, au moins en partie, le fossé entre le pays et ses dirigeants. Et quand les mêmes profils monopolisent les sièges des enceintes décisionnaires, c’est toute l’intelligence collective qui s’appauvrit. 

Par ailleurs, ce n’est pas un hasard si les femmes des classes populaires restent les grandes oubliées de la parité actuelle. La loi de 2000 a certes permis d’accroître le nombre de femmes élues, mais elle n’a ni brisé le plafond de verre social, ni empêché la reproduction des élites. Les femmes élues sont très majoritairement issues des milieux favorisés. Or, la parité de genre sans parité sociale, c’est un progrès de façade, les visages changent, mais les rapports de pouvoir restent les mêmes. Le rapport Démocratiser la politique le note d’ailleurs, bien que “les femmes appartiennent moins souvent aux classes supérieures que leurs homologues masculins” (p. 53), la part des femmes issues des classes populaires dans les assemblées reste marginale. 

Et quand on voit que même la parité de genre recule (36,4 % de femmes à l’Assemblée nationale en 2024 contre 38,7 % en 2017), on comprend l’urgence d’inventer de nouveaux mécanismes “anti-backlash” pour éviter que les acquis ne s’effritent à chaque élection. 

La parité sociale n’est pas qu’un concept théorique, c’est une réponse politique à la crise de représentation que nous traversons. Elle peut s'appuyer sur des leviers très concrets : des contrats de mandature assortis d’objectifs de diversité sur deux scrutins successifs, ou encore des conventions citoyennes décisionnelles tirées au sort, où la composition sociale serait réellement représentative du pays. En somme, il s’agit d’une manière de rendre enfin la parole à celles et ceux qu’on maintient d’ordinaire à distance du pouvoir. 

Et si c’était l’une des rares issues possibles à l’impasse démocratique actuelle ? La parité sociale ne résoudra pas tout, mais elle pourrait au moins rebattre les cartes, faire entrer dans les institutions des voix qu’on a trop longtemps confinées aux marges, celles des travailleureuses, des précaires, des invisibles.

Parce qu’à la fin, il ne s’agit pas seulement d’équilibrer des chiffres, mais de transformer la manière dont on pense la démocratie, non pas comme une aristocratie élective, mais comme un espace de partage du pouvoir et d’action collective. 

Et si la prochaine grande loi de parité n’était pas genrée, mais sociale ? 

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