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Féminismes et travail domestique

La répartition inégale du travail domestique perpétue les inégalités et peut en créer de nouvelles en faisant peser sur d'autres femmes, souvent plus précaires, la charge du travail reproductif.

Illustration de Camille Dumat

Camille Dumat

13 mai

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Féminismes et travail domestique

La répartition inégale du travail domestique perpétue les inégalités et peut en créer de nouvelles en faisant peser sur d'autres femmes, souvent plus précaires, la charge du travail reproductif.

Illustration de Camille Dumat

Camille Dumat

13 mai

La place des femmes dans l’histoire, la place des femmes dans le cinéma, la place des femmes dans le rap, dans la littérature, la place des femmes en politique, la place des femmes dans les conseils d’administration… La quatrième vague de féminisme a beaucoup œuvré pour que les femmes puissent prendre enfin leur juste place aux côtés des hommes. Pour nombre d’entre nous, il apparaît important que les petites filles aient des roles models, que les femmes puissent, elles aussi, avoir leur part du gâteau, du succès, de l’argent, une carrière. Qu’elles soient considérées à leur juste valeur… Mais dans une société marquée par une solide alliance entre le capitalisme et le patriarcat, de telles injonctions ne sont pas sans conséquences. 

À en croire certains et certaines, le succès d’une carrière réussie pour une femme ne tiendrait qu’à une volonté farouche et à un féminisme bien chevillé au corps. Seulement voilà, si les hommes ont pu investir l’espace public, ont pu créer, construire, fonder… le tout dans un confort matériel, affectif et mental, c’est bien parce que les femmes prenaient tout le reste en charge. Le reste : l’éducation des enfants, l’entretien de la maison, l’organisation des liens sociaux, les parents vieillissants, la gestion des loisirs… Car ce ne sont, hélas, toujours pas les petits oiseaux qui nous habillent le matin ! 

Dans son article Féministes, qui fait le ménage chez vous ?  (La Déferlante), la journaliste Lucie Tourette montre que l’accession massive des femmes à de plus hautes responsabilités professionnelles ne s’est pas accompagnée d’une redéfinition des tâches domestiques : en moyenne et en France, les hommes en couple effectue 1h17 de travail domestique par jour contre 2h59 pour les femmes. Et le taux de recours à des aides domestiques rémunérées a augmenté de 2,5 point pour atteindre les 12 %. Cet état de fait pose un vrai problème féministe puisque ce faisant, on continue à favoriser un monde d’hommes. Simplement, on décale le problème du travail domestique, en le confiant à des femmes plus pauvres et plus précaires. Et de moins en moins visible dans la société. 

Bien sûr, il faut se réjouir que la figure traditionnelle de la domestique à la Downton Abbey, dévouée corps et âme à la famille, qu’on pouvait se contenter de payer à coup de vieilles robes n’existe plus. Mais on assiste aujourd’hui à une invisibilisation du travail domestique rémunéré, où des femmes, souvent racisées et dans une situation de grande vulnérabilité, travaillent parfois pour plusieurs employeurs, avec des horaires morcelés et de longs trajets, sans parfois même rencontrer ceux et celles qui les emploient. On laisse le double des clés à disposition, on envoie les instructions par whatsApp ou par SMS. Il va sans dire que l’organisation de la délégation du travail domestique familial (planning de la nounou, recommandation à la femme de ménage, lien avec les gardien·nes, négociation du tarif de la baby-sitter étudiante) est orchestrée le plus souvent par les femmes, en plus de l’agenda social de la famille. 

Cette invisibilisation et précarisation du travail domestique rend encore plus difficile l’expression des luttes et des revendications. Il n’empêche, la grève des femmes de chambre de l'Hôtel Ibis des Batignolles, ont obtenu en juin 2021, après près de deux ans de mobilisation, la revalorisation de leurs salaires. Partout, de Marseille à Saint Etienne, les travailleuses se mobilisent pour faire valoir leurs droits. 

Si l’on veut un monde réellement féministe (et pas seulement le rêver et le revendiquer), la question du travail domestique occupe une place fondamentale et nécessite le concours de toutes et tous. Toutes les femmes n’auront pas la chance de monter les marches du festival de Cannes, de devenir députées, de siéger à un conseil d’administration. Mais le travail, quel qu’il soit, pour une avocate comme pour une aide à domicile, reste un vecteur d’émancipation et d’autonomie. Il faut reconnaître la mauvaise répartition du travail domestique au sein du couple, il faut aussi revaloriser les tâches dites ménagères, remettre au centre de nos vies ce qui apparaît comme si anecdotique qu’on refuse de le voir. Le foyer est un lieu politique. Une femme puissante n’est pas juste une femme qui réussit. 

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