Qui l’aurait vu venir ?

Depuis quelques années, comme le 49.3, le “GIEC” est devenu familier aux oreilles de tou.te.s mais sans pour autant marquer les esprits ou avoir une définition de l’objet de cet acronyme. Il n’est donc jamais inutile de faire un petit rappel de sa signification.

Le GIEC, c’est le Groupe d’expert.e.s Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC), soit un organisme des Nations Unies chargé d’évaluer les travaux scientifiques actuels consacrés aux changements climatiques expliquant les causes de la crise climatique, suivre son évolution, mais aussi les moyens de lutte contre celle-ci. 

Le GIEC, c’est 35 ans d’existence, 6 rapports d’évaluation publiés (1990, 1995, 2001, 2007, 2013/2014 et 2022), 3 rapports spéciaux, des milliers de scientifiques et rédacteur.trice.s du monde entier, 195 gouvernements représentés et votants dans l’institution.

Donc, depuis 1988, un groupe d’expert·es explique que si la société mondiale, principalement celle des pays dit du nord, ne change pas ses fonctionnements d’extraction, de production et de consommation, la biodiversité, les ressources naturelles et surtout l’humanité courent à leur perte. Rien que ça. Le GIEC a commencé par avertir qu’ “une crise environnementale allait arriver”, puis dans les années 2000 que “la crise écologique est là”, à assurer dans les années 2010 que “c’est une crise climatique, il faut agir avant qu’il ne soit trop tard”, pour annoncer aujourd’hui que “c’est trop tard, c’est la merde, les gouvernements n’ont rien fait pendant 35 ans, on va essayer de survivre mais c’est pas gagné”. Pas de novlangue chez Popol !

Malgré l’éco-anxiété que provoque certainement maintenant l’évocation du mot “GIEC”, il est important de regarder en face ce que nous apprend ce sixième rapport. 

On y apprend en premier que les efforts pour limiter le réchauffement climatique n’ont pas été suffisants et il est plus que probable que nous atteignons les 1.5 degrés dans la première moitié des années 2030. Les expert·es constatent que “le rythme et l’ampleur de ce qui a été fait jusqu’à présent, et les plans actuels, sont insuffisants pour lutter contre le changement climatique ». Le rapport pointe l’activité humaine. « Plus d’un siècle d’utilisation de combustibles fossiles ainsi que d’énergie et de terres inégales et non durables a entraîné un réchauffement climatique de 1,1 °c au-dessus des niveaux préindustriels. Cela a entraîné des événements météorologiques extrêmes fréquents et plus intenses qui ont causé des impacts sur la nature et les populations dans toutes les régions du monde.” En effet, malgré les alertes des ces dernières décennies, 2022 atteint un record d’émissions de CO2 dans le monde. Les 3 dernières années sont les plus chaudes jamais enregistrées. 

Outre confirmer l’augmentation de 1,1°c de la température, les scientifiques exhortent de limiter la hausse de celle-ci à 1,5°c d’ici 2100. Si rien n’est fait, le Giec estime que les efforts actuels nous dirigent vers un réchauffement de 2,8°C. Les scénarios construits montrent les impacts déjà existants et les impacts futurs si la température continue de grimper. Cela promet dès à présent une augmentation des évènements climatiques extrêmes, des sécheresses, des canicules, des méga feux ou des inondations. De plus, les espèces animales et végétales disparaissent à cause de ce réchauffement, la hausse de l’humidité et de la température impacte fortement la santé humaine et la production alimentaire est menacée.

Désormais, près de 3,6 milliards d’habitant·es vivent dans des “contextes hautement vulnérables au changement climatique” et les expert·es réaffirment que les communautés les plus affectées sont celles qui ont le moins contribué aux émissions et qui, étant les plus pauvres, ont le moins de moyens pour y faire face. Les femmes et les enfants seront les premières victimes et les plus nombreuses. La bonne nouvelle, c’est que la justice sociale et environnementale devient incontournable pour le GIEC.

L’alarme est une nouvelle fois activée, plus puissante que jamais. Mais le Giec ne veut pas perdre espoir et tente de le communiquer aux plus pessimistes. « La fenêtre pour s’assurer un futur durable et vivable est en train de se refermer rapidement », pointe le rapport. Pour ne pas se limiter à ce constat inquiétant, le Giec souligne qu’il existe « des solutions d’adaptation et d’atténuation qui sont efficaces, applicables et peu coûteuses », et qui peuvent varier d’une région à l’autre. Il faut les employer pour que se fassent « des transitions rapides et de grandes envergures », que cela concerne l’agriculture, l’industrie ou encore les systèmes urbains. Si l’on vulgarise un peu, nous avons encore 7 ans, mais pas plus, avant de subir le jeûne intermittent, les coups de soleil et la sueur pour le reste de notre vie. 

Alors oui, tout le monde va devoir faire des efforts, changer ses modes de vie pour revenir à un quotidien plus sobre, frugal et donc durable. Cependant le GIEC conclut que les moyens financiers actuels sont suffisants, mais constate qu’il existe encore des freins pour réorienter le capital dans l’action climatique. Les gouvernements et les entreprises seront les principaux acteurs de cette lutte car seule « la volonté politique qui permettra une action climatique efficace ». Les urnes et la rue nous attendent avant que le ou la prochaine présidente dise qu’il ne savait pas. 

Amandine Richaud-Crambes

  • 1 avril 2023