Pourquoi les nouveaux gourous de l’écologie sont-ils si méchants ?

Aujourd’hui, il y a clairement plusieurs écoles qui s’affrontent autour de la lutte pour l’environnement. Les scientifiques, les militant·es conventionnel·les, les expert·es autoproclamé·es, les influenceureuses instagram ou twitter, les partis politiques, les associations et ONG ou encore les plus radicaux tels que Extinction Rebellion ou Dernière Rénovation. Pour agir contre le dérèglement climatique et la crise écologique, tous les bras et initiatives sont nécessaires, il n’y a pas de doute là-dessus. Cependant, certains groupes commencent à se tirer dans les pattes, en s’invectivant d’“écoterroriste” ou de « traître climatique”. D’autres en profitent pour faire passer l’écologie avant les discriminations, certaines figures médiatiques vont même plus loin en tenant des propos sexistes, grossophobes ou âgistes.
Pour illustrer ces querelles, nous allons décrire des individus fictifs. Toute ressemblance avec des personnages réels n’est ni fortuite, ni involontaire.
Le premier est un ingénieur polytechnicien devenu la figure incontournable dans les discussions sur la transition énergétique. Invité sur tous les plateaux télé, auditionné par les parlementaires ou encore auteur de BD, il est impossible de ne pas entendre parler de lui. Pourquoi ce statut de gourou ? Car il apporte un discours très loin des idées écologistes connues. Par exemple, il est ce qu’on appelle un pro-nucléaire et explique que seul le l’atome nous permettra de conserver une partie, et une partie seulement, de ce que nous avons aujourd’hui, d’amortir une chute civilisationnelle trop brutale. Cela fait penser à la nouvelle doctrine macroniste pro-nuke et au désamour pour le développement des énergies renouvelables à cause de fausses vérités sur le coût de celles-ci. Il minimise aussi le risque nucléaire malgré les multiples accidents comme Fukushima et la preuve que l’enfouissement des déchets est polluant et dangereux. Dernièrement, pour répondre à une jeune femme journaliste qui remettait en cause ses affirmations sur la dangerosité du nucléaire, il n’a trouvé rien de mieux que de lui expliquer sur un ton patriarcal que c’était moins anodins de donner un Kinder Bueno à son gamin et que l’obésité était plus dangereuse que le nucléaire. CQFD.
Le second est un journaliste trentenaire, influenceur, bégueule du PAF. Chroniqueur radio, animateur de télé, créateur de contenu ou encore récemment fondateur de média, il est partout. Ce personnage est l’exemple de l’épiphanie écologique ou, si on est mauvaise langue, c’est un dénicheur de tendance pour se créer une nouvelle virginité médiatique. Car oui, l’influenceur a souvent des casseroles. Comme beaucoup trop de journalistes mâles de sa génération, il a traîné dans la ligue du LOL ou a tenu des propos racistes et sexistes sous le masque de l’humour. L’écologie lui permet donc de se mettre en valeur. Plus dans le militantisme que dans la réalité scientifique et écologique, il se met en scène directement sur instagram ou dans des reportages. Le sujet principal ? Lui. Il est omniprésent sur tous les plans caméra et fait la pub pour son média privé sur les chaînes publiques dans ses médiocres chroniques. Fervent militant pour la condition animale, il l’est moins sur les logements sociaux, les jeunes, les jets, ou la destruction des forêts pour imprimer des agendas à son effigie vendus à la Fnac. Voici donc un influenceur à la sauce connectée et populaire qui rappelle fréquemment que certes, il prend l’avion, mais que par ailleurs il sensibilise ses followers sur le tri des déchets ou la disparition du vin. En revanche, pas trop d’action pour ce révolutionnaire de canapé. Jeter de la soupe sur une vitre ou peindre un ministère ce n’est pas se “défendre”, même si cela fait parler. Par contre, cela renvoie une image immature et caricaturale du mouvement climatique. Les jeunes des marches climat qui se mobilisent toutes les semaines seront content·es de savoir que ce sont elleux les inconscient·es…
Enfin, notre dernier exemple est un chercheur émérite, qui a notamment contribué à l’écriture de rapports du GIEC. Spécialiste du climat depuis de nombreuses années, lui aussi est devenu un personnage incontournable de la lutte écologiste. Il a écrit pour le GIEC on a dit, donc, il a une connaissance absolue et inattaquable. Très engagé en politique, il a soutenu un candidat à la présidentielle qui repassait ses chemises tout seul (cookie n°1) et qui avait aidé des femmes au Bangladesh dans les années 2000 (cookie n°2). Son influence a été tellement forte que son candidat n’a pas dépassé les 5 % de votes. Certainement la faute à toutes ces hystériques radicalisées telles que Sandrine R. et Camille E. qui ont focalisé les débats sur des luttes incompréhensibles comme le féminisme ou le barbecue. Dans une émission publique à heure tardive, il fait une tirade où il fustige une jeune femme en lui mansplannant qu’elle pense qu’être en colère c’est être dans l’action, que le journalisme attise les violences. L’infantilisation du sachant prend le dessus… Pourtant, si les revendications de la jeunesse ne sont pas entendues, en faisant le parallèle avec le mouvement des suffragettes, qui a dû recourir à des incendies dans Londres pour obtenir le droit de votes des femmes, la question de la prochaine étape de radicalisation de ces mouvements, se pose. Les notions de pacifisme et de non-violence sont certes très ancrées dans les mouvements écologistes, mais le pacifisme peut s’accommoder de destructions matérielles.
On peut se poser la question de comment ces personnages sont-ils devenus les nouveaux gourous de l’écologie ? Pourquoi ce ne sont uniquement des hommes ? Pourquoi les femmes sont-elles cantonnées à l’écologie punitive et hystérique ? On dira tout simplement car ils ressemblent au français moyen, au tonton raciste, au prof relou sexiste ou au gendre lisse et idéal. Quand Greta Thunberg, Sandrine Rousseau ou Camille Etienne se font traiter d’illuminées, nos chers gourous sont adulés dans la belle tradition patriarcale, alors même que le climat demande une action radicale et la société une inclusivité indispensable.
Amandine Richaud-Crambes