“Pas de justice, pas de paix”

Quatre femmes âgées de 18 à 20 ans ont porté plainte à Nantes pour des faits d’agressions sexuelles lors d’un barrage de police filtrant en marge d’une manifestation contre la réforme des retraites. Elles dénoncent des insultes, une fouille corporelle violente que l’on peut juridiquement qualifier d’agression sexuelle. Les violences qui ont émaillé la mobilisation contre la réforme des retraites ont relancé le débat sur le maintien de l’ordre et les violences policières en France. La brutalité, les techniques utilisées montrent bien l’ampleur du phénomène et la déconnexion des politiques sur le sujet.
Depuis les manifestations contre la loi travail en 2016, les récentes mobilisations écologistes, la violente répression du mouvement des gilets jaunes, ces visages ensanglantés dans nos téléviseurs, les violences policières se sont en effet invitées dans nos quotidiens de citoyen·nes.
Elles ne sont pourtant pas un phénomène nouveau, et elles étaient jusque-là souvent circonscrites aux quartiers populaires. Au fil des ans, les noms, les « affaires » se sont succédées, souvent ignorées. On pense à Malik Oussekine, Zied et Bouna, Adama Traoré, et aussi Théo Luhaka, blessé en 2017 lors d’une interpellation violente. Sans même parler des humiliations quotidiennes, des abus de pouvoir, des contrôles d’identité au faciès qui entravent la vie de la plupart des jeunes garçons dans certaines villes de banlieue. Lors des émeutes de 2015, qui ont suivi la mort de Zied et Bouna, deux jeunes garçons morts électrocutés après une course poursuite avec la police, la France (et le monde entier) découvrait, stupéfaite, la colère de ces jeunes. Le fameux “nique la police” dont s’insurgeaient régulièrement les médias et les responsables politiques, n’était pas l’expression d’une haine désordonnée mais un signe, celui qu’il y a dans notre société, dans notre démocratie, un problème : tous les citoyen·nes n’y sont pas en sécurité.
Il aura fallu, le combat d’une femme, Assa Traoré, et de sa famille, réclamant justice après la mort de leur frère Adama, et le spectaculaire mouvement Black lives matter après la mort de Georges Floyd pour que les consciences s’éveillent enfin. En juin 2020, en pleine épidémie de COVID, 20 000 personnes se réunissent devant le tribunal de grande instance de Paris, au cri de “pas de justice, pas de paix”.
Le débat est maintenant lancé, les journaux multiplient les articles, les député·es de gauche appellent au débat mais cela fait des années que des collectifs et des associations se battent contre cette violence systémique. Le collectif “stop le contrôle au faciès” a mené un long combat pour que cette pratique disparaisse. Les associations avaient d’ailleurs réussi à le faire inscrire dans le programme du candidat Hollande en 2012. Ce sera l’une de ses innombrables reculades. Dans son documentaire “Violences policières, le combat des familles”, la journaliste Inès Belgacem revient sur le combat des familles de victimes pour que justice soit faite.
Dénoncer les violences policières, contre les jeune hommes racisés, contre les personnes en situation de migration, contre les roms, contre les féministes, contre les militantes et les militants c’est d’abord énoncer des faits, décompter des mort·es. C’est dénoncer précisément des pratiques dont on sait qu’elles sont brutales et potentiellement mortelles : le plaquage ventral, l’utilisation du taser, la coutrse-poursuite en voiture, les insultes sexises, l’usage des LBD dans les manifestations, les paroles humiliantes, le racisme aussi bien sûr…
Les violences sexistes et sexuelles participent bel et bien de la brutalité policière, illustration de la violence patriarcale qui s’exerce sur toutes et tous. Qu’allons-nous faire en tant que société, pour que les institutions chargées de nous protéger ne soient pas celles qui nous menacent, que les lois soient respectées partout, tout le temps ?
Camille Dumat