Notre colère est légitime !

Alors que la révolte contre la réforme des retraite ne cesse de prendre de l’ampleur, la réponse du gouvernement n’est pas de revoir sa copie, de consulter les syndicats, pas plus que d’essayer d’expliquer sa démarche. Non, la nouvelle stratégie du gouvernement : délégitimer le combat des citoyen·nes. Ainsi sur le plateau de C ce soir, Astrid Panosyan (députée Renaissance) n’hésite pas à dire : “Il y a confrontation de deux types de légitimité : politique et sociale. On est dans un État de droit donc la légitimité politique doit prévaloir. » Déjà, un “État de droit”, ça reste très discutable… et il y a derrière cette affirmation une volonté de dépolitiser le social qui est très grave.
La contestation de la rue n’est pas légitime. Tel est le message que veut faire passer la majorité. Et cet argument se nourrit de la même vieille rengaine culpabilisante : c’est notre désintérêt de la vie politique qui est en cause. C’est notre manque d’investissement politique qui fait que nous ne comprenons pas les subtilités de l’article 47-1 de la Constitution, que l’on condamne le recours, pour une énième fois, au 49-3 (outil constitutionnel donc légitime pour la majeure partie des membres de la majorité) et, enfin, parce que nous ne votons plus, nous ne sommes pas légitimes à contester le pouvoir en place.
Cette culpabilisation nous colle à la peau depuis de nombreuses années déjà. On est coupable de ne pas voter, et pour les rares qui auraient réussi à atteindre le bureau de vote, celleux-là sont encore coupables de ne pas “voter utile”. On montre du doigt les jeunes “qui s’abstiennent”, et on les rend responsables des naufrages électoraux qui ne cessent de se succéder. C’est de notre faute, enfin, surtout celle des jeunes, et à les entendre, on se la coulerait douce pendant que nos élu·es triment.
Cette dialectique est d’autant plus grave qu’elle est fausse. Ce que l’on constate au quotidien c’est que celles et ceux qui boudent les urnes ont en réalité un engagement politique très fort. Ce sont celles et ceux qui ne prennent plus l’avion, celles et ceux qui marchent pour le climat, celles et ceux qui se mobilisent contre les violences sexuelles et sexistes, celles et ceux qui dénoncent le racisme, celles et ceux qui refusent d’avaler les couleuvres d’un pouvoir politique qui ne cesse de leur démontrer qu’elles et ils ne sont pas légitimes.
Comment considérer que ces engagements ne sont pas politiques ? Comment imaginer que celles et ceux qui se déplacent une fois de temps en temps pour glisser un bulletin dans une urne mais qui n’ont aucun regard critique sur leur mode de vie et sur ce qui les entoure, seraient plus légitimes que les autres ?
Rassurez-vous, l’un n’empêche pas l’autre, bien évidemment. On peut tout à fait être engagé·e au quotidien et voter. Mais voir dans l’abstention un simple désintérêt pour la politique est extrêmement réducteur. Alors oui, il y a une forme de désintérêt qui nourrit certainement l’abstention. Mais la faute à qui ? Ce désintérêt résulte sans aucun doute de la complexité et de l’opacité de notre système politique et institutionnel. Et rien n’est fait, de la part des pouvoirs publics, pour permettre aux citoyen·nes de comprendre ce système. Pourquoi ? Eh bien certainement parce que ça les arrange.
Et surtout, ce désintérêt pour la politique dont font état les politiques et les médias au lendemain de chaque élection ne relève pas d’un désintérêt pour la politique mais plutôt d’une prise de distance avec la politique partisane et institutionnelle. Ce n’est pas parce qu’on ne connaît pas par cœur le règlement de l’Assemblée nationale qu’on est pas légitime à se prononcer sur la politique. En revanche, c’est parfois notre défaut de connaissances qui leur permet de nous la faire à l’envers (pour rester polie).
Aussi, il nous faut comprendre le fonctionnement de nos institutions et de notre système décisionnel pour se réapproprier la politique, pour redevenir les maîtres et maîtresses de notre quotidien, que ce soit à travers les institutions ou en dehors. Et c’est la promesse de Popol, vous donner les clefs de compréhension de la politique afin de savoir ce qu’ils essaient de faire de nos vies et de pouvoir riposter, avec les outils de votre choix. Cette riposte, on la veut féministe bien sûr, et c’est pour cette raison qu’on s’est donné pour mission de mettre nos connaissances (politiques et institutionnelles) à la disposition des militantes féministes.
Enfin, cet épisode nous montre, encore une fois, à quel point nos institutions sont à bout de souffle et dans l’incapacité totale de répondre au besoin et à l’envie de démocratie qui sont de plus en plus affirmées dans notre pays.
Léa Chamboncel