L’écologie ? Ça commence à bien faire !

ZAN, ZFE, ces acronymes sont à la mode dans la bouche des élu·e·s, que cela soit dans les médias ou à l’Assemblée Nationale. Droits des maires bafoués pour certain·es, arrêt du développement économique pour d’autres ou encore exclusion sociale pour les plus hypocrites. Mais pourquoi tant d’attention et de débats autour de ces 2 mots ?
Les ZAN sont des zones Zéro Artificialisation Nette créées lors de la rédaction de la Loi Climat et Résilience de 2021. Elle formule un double objectif : réduire de moitié le rythme d’artificialisation nouvelle entre 2021 et 2031 par rapport à la décennie précédente et atteindre d’ici à 2050 une artificialisation nette de 0% (ZAN), c’est-à-dire au moins autant de surfaces « renaturées » que de surfaces artificialisées. L’artificialisation des sols est un énorme problème écologique qui n’a jamais été réellement traité. La définition que la loi donne de l’artificialisation des sols est l’étalement urbain. Chaque année, la France perd 20 000 à 30 000 hectares d’espaces naturels, agricoles et forestiers sous la pression des activités humaines et de l’artificialisation. L’idée est donc d’empêcher que la ville ne prenne du terrain sur les espaces naturels. Tout cela afin de protéger la biodiversité, assurer l’autonomie alimentaire, éviter l’imperméabilisation des sols qui renforce la sécheresse ou encore réduire l’impact de la crise climatique lors d’inondations ou tempêtes.
Mais les ZAN symbolisent aussi un casse-tête de la transition écologique : tout le monde est d’accord sur le constat et la nécessité d’agir mais le consensus pour leur mise en place reste introuvable. Le zéro artificialisation nette a provoqué une levée de boucliers des élu·es locaux et particulièrement ruraux. En effet, la vieille politique de la construction sans limite du pavillonnaire se confronte à la réalité de la protection environnementale. Les maires des petites communes ont un dernier pouvoir très électoraliste qu’iels comptent bien garder : délivrer des permis de construire contre des voix. L’association des maires de France a déposé deux recours devant le Conseil d’Etat, le Sénat s’est emparé de l’affaire et a rédigé une nouvelle proposition de loi. On attend d’ici l’été un vote à l’Assemblée. Christophe Béchu est d’ailleurs un grand détracteur des ZAN notamment lorsqu’il était maire d’Angers.
Face aux enjeux sanitaires liés à une mauvaise qualité de l’air et à la problématique du dépassement des valeurs limites réglementaires européennes des concentrations dans l’air pour les particules fines et le dioxyde d’azote, plusieurs pays européens ont mis en oeuvre depuis les années 2000 des zones dont l’accès est interdit aux véhicules les plus émetteurs de polluants atmosphériques : les Zones à Faibles Émissions ou anciennement Low Emission Zones. Il y en a plus de 200 chez nos voisins européens.
Cela fait des années que l’État aurait dû mettre fin à ces dépassements qui exposent les Français·es à un risque majeur pour leur santé. Chaque année en France, 48 000 décès prématurés par an sont imputés à la pollution de l’air extérieur, dont les véhicules thermiques en sont la première cause. Malgré une législation datant de plusieurs années et réaffirmée en 2019 avec la Loi d’Orientation des Mobilités, la France est loin d’être une bonne élève. Voilà cinq ans que le juge administratif du Conseil d’État exhorte le gouvernement à prendre “toutes les mesures nécessaires” pour faire respecter les normes de qualité de l’air. La première décision du Conseil d’État remonte à juillet 2017 : il ordonne alors au gouvernement de mettre fin aux dépassements “dans le délai le plus court possible”. En 2019, après des années de mises en demeure et de demandes d’“actions rapides et efficaces” de la part de la Commission européenne, c’est la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qui condamne la France pour avoir “dépassé de manière systématique et persistante la valeur limite annuelle pour le dioxyde d’azote depuis le 1er janvier 2010”. Le Conseil d’État a encore rappelé que “la gravité des conséquences en termes de santé publique” et “l’urgence qui en découle” doit être prioritaires. L’État a payé une première amende de 10 millions d’euros en 2021 et une seconde de 30 millions d’euros en 2022.
Aujourd’hui, le calendrier de mise en œuvre des ZFE arrive à sa fin. Pour 2024, 44 agglomérations devront les mettre en place. Mais là encore, ça gronde chez les élu·es qui semblent découvrir cette obligation. Là encore, afin de garder des électeurices, beaucoup s’agitent. Le RN a demandé récemment de carrément supprimer la loi sur les ZFE, Christophe Béchu a même modifié la loi pour amoindrir la colère des élu·es en décembre 2022.
Il est vrai que les ZFE sont excluantes dans l’état actuel. Les populations les plus précaires seront les plus impactées car elles n’auront pas les moyens d’acheter un véhicule propre ou même de pouvoir se déplacer pour aller travailler dans les centre-ville. Cependant, la faute revient aux élu·es et à l’État. Depuis longtemps il aurait été possible de prévoir les moyens pour éviter ces inégalités comme l’investissement dans les transports en commun, des aides dédiées aux personnes les plus précaires pour l’achat des véhicules neufs mais aussi d’occasion ou encore communiquer sur les alternatives de déplacement. L’Ademe l’explique très bien : “La communication avec la population est un élément essentiel d’une ZFE efficace. Le plus tôt possible, l’objectif de la zone environnementale devrait être expliqué, ses bénéfices pour les citoyens devraient être présentés et l’information concernant ses conséquences attendues et ses alternatives devrait être partagée avec les citoyen·nes.”
Même les écologistes montent au créneau contre les ZFE, prétextant un manque de moyens pour la mise en place et surtout pour… sanctionner celleux qui ne respectent pas les critères de pollution de leur véhicule (sic). Écologie de droite ?
Après “Make Our Planet Great Again” la nécessité écologique continue de passer après les opportunités politiques clientélistes et le capitalisme. On voit de plus en plus une opposition entre l’écologie et les intérêts privés. On parle d’écologie punitive pour fustiger les militant·es écologistes et la génération climat. En 2011, Sarkozy : ‘‘L’environnement, ça commence à bien faire.’’ En 2023, Macron lance : ‘‘Il faut faire une pause sur les réglementations environnementales”. Pour lui, le “risque” est “d’être les mieux-disants en termes de réglementation et les moins-disants en termes de financement”.
Avec des dirigeant·es comme cela, on peut bien avoir peur que le productivisme et le pro-capitalisme passent encore longtemps avant la crise climatique.
Amandine Richaud-Crambes