Le mariage pour tou·tes, dix ans après !

Le 23 avril 2013, après des débats plus que houleux à l’Assemblée nationale, la France devenait le 9ème pays européen et le 14ème pays au monde à autoriser le mariage pour toutes et tous, ouvrant ainsi de nouveaux droits pour le mariage, l’adoption et la succession, dans une esprits “de partage des libertés” pour reprendre les termes de Christiane Taubira, qui a courageusement porté cette loi dans une ambiance particulièrement délétère.

Une victoire pour la communauté LGBTQIA+ et la satisfaction pour toutes et tous de vivre dans une société un peu plus juste et équitable. Dix ans après, le mariage pour tout·es a intégré la société française. Depuis 2013, plus de 70 000 mariages ont été célébrés et, n’était l’effet Covid en 2020, les chiffres restent stables. La mutation sociale entamée en 1999 avec le PACS a marqué le passage d’une conception du mariage comme la seule institution capable de donner un père aux enfant mis au monde par une femme à celle d’un duo.

Les dix ans du mariage pour tou·tes marque une vraie raison de se réjouir et permet de mesurer le chemin parcouru, mais il est aussi l’occasion de se rappeler la violence des réactions, notamment celle de l’église catholique qui a orchestré la fronde et la résistance au projet de loi. Toutes et tous nous nous rappelons la violence des propos tenus lors des fameuses “manif pour tous” et plus encore la communauté LGBTQIA+ qui a dû prendre sur elle les insultes, les soupçons, les mensonges. En 2013, SOS homophobie a recueilli près de 80% de témoignages supplémentaires signalant des attaques homophobes et lesbophobes.

Entre l’anniversaire des 20 ans de la mort de Monique Wittig, les 10 ans du mariage pour tout·es, l’extension de la PMA, nous avons eu envie chez Popol d’interroger spécifiquement la visibilité des lesbiennes. Car si elles ont été à l’avant-garde de nombreux combats sociaux (voir notre popoltrait de Monique Wittig), elles restent encore assez invisibilisées. 

Elles se retrouvent à l’intersection de (au moins) deux discriminations, le sexisme et la lesbophobie. Pourtant sur son site, l’Observatoire de la lesbophobie précise que lorsque l’on tape le mot “lesbophobie”, le mot est surligné comme s’il n’existait pas, comme s’il n’y avait pas de spécificité aux violences qu’elles subissent encore trop souvent, même en 2023.

Elles sont encore très peu présentes dans les médias, même lorsque le sujet abordé les concerne directement, comme la PMA par exemple. La faute à un manque de représentation publique et à une image complètement biaisée. Pendant longtemps, lorsque l’on tapait le mot “lesbienne” dans un moteur de recherche on tombait fréquemment sur des sites pornographiques. L’Observatoire de la lesbophobie a lancé une campagne appelée “Sauriez-vous nommer plus de 10 lesbiennes connues ?” afin d’alerter sur l’invisibilisation des lesbiennes mais aussi la difficulté à faire son coming out pour les personnalités publiques et notamment dans le milieu politique. Sarah el Haïry est la première femme ouvertement lesbienne du gouvernement, des années après les premiers coming outs de ministres hommes.

Lors d’une de ces récentes interventions, l’autrice féministe Fiona Schmidt, a montré du doigts comment, dans les relations amoureuses, les femmes portaient systématiquement la marque de l’anomalie et le poids du jugement, jamais légitimes tout de suite. La norme hétérosexuelle est une norme de pouvoir au bénéfice des hommes, elle reste puissante mais, en 2023, alors que nous fêtons les dix ans du mariage pour tou·tes, il apparaît clairement que les lignes bougent, et malgré les violences et les discriminations, nous entrons dans une ère où le rapport au genre, les modes de relations, non seulement changent, mais le discours qui les accompagnent aussi. C’est une avancée, à nous de rester vigilant·es, de le célébrer et de le protéger.

Camille Dumat

  • 28 mai 2023