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Bruxelles : la ville-monde à l’origine du plus grand événement international féministe de l’histoire

En 1976, Bruxelles a accueilli le Tribunal international des crimes contre les femmes, un événement historique qui a donné naissance au terme "féminicide".

Illustration de Clothilde Le Coz

Clothilde Le Coz

19 avr.

Feminist text
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Bruxelles : la ville-monde à l’origine du plus grand événement international féministe de l’histoire

En 1976, Bruxelles a accueilli le Tribunal international des crimes contre les femmes, un événement historique qui a donné naissance au terme "féminicide".

Illustration de Clothilde Le Coz

Clothilde Le Coz

19 avr.

En 1976, Bruxelles a accueilli le Tribunal international des crimes contre les femmes. Il s’agissait d’un tribunal citoyen non mixte qui a réuni 2 000 femmes venues de 46 pays pendant 5 jours afin de dénoncer les crimes subis par les femme vivant dans des sociétés patriarcales. L’idée n’était pas de juger mais bien de mettre des mots sur les actes, de les catégoriser et de développer des stratégies pour combattre ces crimes commis à l’encontre des femmes. Résultat : le mot “fémicide” entre dans les annales des grands moments féministes.

La sociologue féministe sud-africaine et américaine Diana E.H. Russell, présente à Bruxelles lors de ce tribunal, l’utilise alors pour la première fois. Elle crédite d’ailleurs la romancière américaine Carol Orlock pour cette expression, qui travaillait alors à une anthologie du fémicide, qu’elle n’a finalement jamais publiée. Il faudra attendre 2015 avant que le mot féminicide entre dans Le Petit Robert. La différence entre fémicide et féminicide est politique, vous vous en doutez bien. Dans le mot fémicide, il y a bien l’idée que la victime soit une femme - au même titre que dans homicide, la victime est un homme. Il s’agit donc bien de féminiser le mot. Dans le mot féminicide, la racine latine “femini” est gardée pour insister sur l’importance du genre. La victime n’est donc pas seulement une femme ; elle est victime car elle est femme. Les féministes mexicaines ont beaucoup œuvré au travail de cette définition. Mais revenons à Bruxelles.

“Le plus grand événement international féministe de l’histoire” 

The “biggest international feminist event in history” : c’est en ces mots que la journaliste américaine Susan Heller Anderson avait titré son article couvrant le tribunal pour le Herald Tribune. Mais malgré cet aspect historique majeur, ce tribunal a surtout fait parler de lui, non pas car 2 000 femmes se réunissaient ni que Le Nouvel Observateur avait ouvert ses colonnes à Simone de Beauvoir pour écrire à son propos… mais bien parce qu’il a exclu les journalistes masculins de la conférence de presse.

Cette décision de la non mixité dans le choix des participantes comme dans la couverture médiatique a été largement débattue et très controversée en interne. Si cette décision leur a valu un message de soutien de certains de journalistes, elle leur a surtout valu un message virulent de la part de l’association de la presse internationale en Belgique, qui avait alors déploré que cette “décision sexiste” allait nuire à la démocratie : “Une telle étroitesse d’esprit doit être totalement combattue par tous ceux qui croient en une société libre et démocratique, ainsi que par tous ceux qui sont en faveur de l'égalité entre les hommes et les femmes”. Dans le chapitre qu’elle consacre au traitement médiatique réservé à ce tribunal à l’époque dans le rapport qui consigne son déroulement, la journaliste belge Nicole Van de Ven souligne la chose suivante : “Ils ont été unanimes à décider que nous nous tirerions une balle dans le pied en les excluant. Mais (il devenait très clair qu’) ils craignaient surtout d'être pris en défaut”.

Malgré la menace d'un boycott total, dans les deux semaines précédant et suivant le Tribunal, 165 articles sont parus dans la seule presse quotidienne et hebdomadaire belge, un nombre remarquable pour la couverture médiatique des années 1970. L’un des pays les plus critiques envers le tribunal fut la Grande-Bretagne. Le Guardian avait assisté à la dernière journée et sa journaliste de qualifier cet événement de “proche de l’échec” avant de conclure “à contrecœur, maintenant, il me semble que toute réunion internationale de femmes est plus susceptible de produire des divisions que de la cohésion. Nos problèmes sont trop disparates, trop liés à nos sociétés spécifiques, pour être résolus à l'extérieur. L'action internationale n'est efficace que sur des questions relativement insignifiantes [ …] Mieux vaut donc rester chez soi et y régler nos problèmes”. 

Les temps changent-ils ? L’accord conclu au niveau européen en matière de lutte contre la violence à l’égard des femmes est-il insignifiant ? Une chose est sûre, le fait qu’aucune définition du viol n’ait été décidée au niveau européen montre qu’effectivement, on continue à rester chez soi sur certaines questions. Alors merci Bruxelles d’essayer de trouver des compromis à 27. Et non merci Paris d’avoir refusé de légiférer sur une définition commune du viol en avançant l’argument selon lequel cette question relève de la seule compétence des États. Non, cette question relève de la seule volonté des États. 

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